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Ju et Bo sont en Asie
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5 février 2008

De part et d'autre du dix-septième parallèle

Après la baie d'Along nous avons gagné Ninh Binh, une petite ville au sud de Hanoï. Là nous avons visité le site de Tam Coc, surnommé à juste titre la "baie d'Along terrestre" en raison du paysage de collines karstiques qu'il abrite. Profitons-en pour préciser ce terme de "karstique" qui apparait une nouvelle fois dans nos récits. On avait déjà vu en effet de ces paysages "karstiques" en Thaïlande à Ao Nang et en Chine à Guilin et Yangshuo. On se demandait d'ailleurs bien de quelle manière ces curieux paysages pouvaient se former, comment ces collines pouvaient parfois émerger en pente raide sur des paysages par ailleurs peu vallonnés. On a donc enfin pu se renseigner, merci Wikipédia, ce qu'on n'avait pas pu faire en Chine, le site étant bien sûr interdit. Le karst est donc bien un paysage (et non un type de roche) qui se forme aux dépens de diverses roches (craie, calcaire...) ayant pour particularité d'être aisément modelables par les vents, les pluies, les courants marins... Bref nous avons donc découvert ce site superbe en remontant une rivière, à bord d'une petite barque baladée par une gentille vietnamienne qui, quand elle voulait reposer ses bras, ramait avec aisance en utilisant ses pieds. Pas très sexy mais efficace. Pour gagner le site on avait loué une moto, ce qui  nous a permis de visiter également les environs, de belles étendues de rizières vert fluo à perte de vue. Promenade sympa jusqu'à ce que la pluie nous cueille à une vingtaine de kilomètres de l'hôtel et nous trempe jusqu'aux os juste avant de prendre le bus de nuit pour Hué. Heureusement le patron de l'hôtel nous a laissé prendre une douche histoire de nous réchauffer.

Pour le voyage, qui allait durer 13 heures on avait opté pour l'option "sleeping bus". Mythique. On avait déjà pu apercevoir ce genre de bus en Chine mais on y avait échappé jusque-là. Pour vous décrire le machin, il s'agit donc d'un bus classique comportant trois rangées, une de chaque côté et une au milieu de lits superposés. Pour un gain de place, la tête des couchettes est relevée, laissant ainsi un espace libre pour le voisin de derrière qui peut glisser ses pieds. Taille des couchettes approximative: 1,60 m sur 40 cm. On monte donc dans le bus qui venait déjà de Hanoï et qui faisait juste une courte halte à Ninh Binh. Il était déjà passablement blindé, on se retrouve au fond, et comme on était les derniers arrivés on récolte deux couchettes supérieures. On grimpe dessus, tiens c'est marrant il y a des ceintures de sécurité. Le bus démarre, et là on comprend pourquoi elles étaient là: vu la largeur des couchettes, l'état de la route et l'empressement évident du chauffeur à arriver à destination, c'était plus qu'indispensable. Bien conçues en plus, elles arrivaient juste sous les aisselles. Le top du confort. Les minutes passent et là tout d'un coup le flash. On était parti de l'hôtel sans les passeports. Bien joué les loulous. La boulette s'est quand même bien terminée, les circuits touristiques étant bien rodés, on a pu nous les faire parvenir par le bus suivant le lendemain.

Le lendemain, on était donc à Hué, ancienne capitale du pays au 19ème siècle, et haut lieu d'une bataille de la guerre du Vietnam, qu'ils appellent à juste titre ici l'american war. Visite de la cité impériale, quelque peu laissée à l'abandon (pas comme les bâtiments refaits à neuf de Chine) mais du coup fort charmante avec ses jardins aux herbes folles, ses murs et ses allées couverts de mousse. La plupart des bâtiments ont cependant été détruits par les bombardements américains après l'offensive du Tet (nouvel an vietnamien) en 1968: il y a exactement 40 ans, les vietcongs avaient lancé le jour des festivités un assaut de grande envergure sur les positions américaines et sud-vietnamiennes. Ils avaient en particulier réussi à reprendre la ville de Hué, située au Sud du 17ème parallèle, ligne fictive qui partitionnait le Vietnam en deux parties, Nord et Sud. Les américains n'avaient repris la ville qu'un mois plus tard après des bombardements titanesques. La Cité Impériale n'a pas été épargnée et donne par endroits une impression étrange de terrain vague. Après la visite, on a mangé dans un resto sympa tenu par des sourds-muets qui offraient à leurs clients des ouvre-bouteilles faits maison, du coup ils avaient des photos plein les murs de gens qui se faisaient photographier aux quatre coins de la planète avec leurs ouvre-bouteilles.

Devoir de mémoire oblige, on est allé le lendemain faire une excursion dans l'arrière-pays de la zone dite "démilitarisée", autour du 17ème parallèle au niveau de laquelle les combats ont été particulièrement intenses pendant la guerre contre les Américains. On a pu constater les ravages des bombardements (on peut voir encore de nombreux cratères dans les rizières et dans les forêts), les conséquences sur l'environnement de l'utilisation criminelle de l'"agent orange", herbicide ultra-toxique, à base de dioxine, que les américains ont fait tomber par millions de mètres-cubes sur les sols vietnamiens rendant ainsi la terre incultivable. D'une végétation autrefois luxuriante il ne reste pas endroits que de petits arbustes voire carrément rien du tout. Sans compter les dégâts terribles sur la santé des habitants et ce sur plusieurs générations. Précisons car ça nous semble important que l'agent orange a été fabriqué et vendu par la multinationale "Monsanto". Lors de la balade on a également visité les tunnels de Vinh Moc, plusieurs centaines de kilomètres de tunnels sous la terre, creusés à la force des bras, dont on ne visite cependant qu'une petite partie. Ceux-ci ont abrité pendant la guerre des milliers de vietnamiens qui y ont vécu pendant plus de cinq ans dans des conditions effroyables. Quoi qu'il en soit, la pugnacité des soldats  et des habitants nord-vietnamiens pour résister aux américains n'a eu d'égal que l'indigence et la misère dans laquelle ils vivaient à l'époque (et vivent encore aujourd'hui pour la plupart).

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Lors de notre dernière journée à Hué on a fait une petite croisière sur la Rivière des Parfums dont le cours traverse la ville et conduit aux différents tombeaux des empereurs qui régnaient sur le Vietnam du 19ème siècle. De jolis paysages bordent la rivière, on peut y observer de petites barques sur lesquelles des hommes remontent le sable du fond de la rivière, utilisé pour les constructions des maisons. Les différents tombeaux impériaux sont intéressants, variés dans leur architecture, allant du beau parc paysager abritant des bâtiments de style Ming qui se fondent agréablement dans le paysage au tombeau tape-a-l'œil-kitch mêlant béton et murs couverts de morceaux de porcelaine, céramique, verre aux centaines de couleurs à l'aspect agressivement clinquant.

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Le lendemain on s'est mis en route pour Hoi An à trois heures de route de Hué. Entre les deux villes on traverse une barrière montagneuse qui fait remarquablement barrage au froid venu du Nord: à la sortie du tunnel passant sous les montagnes on sent tout de suite le réchauffement des températures. La ville de Hoi An est très agréable, petite bourgade au bord d'un fleuve, à deux pas de la mer, aux jolies maisons datant pour certaines de plus de deux cents ans. Etant charmante et tout à fait dans les canons de ce que peuvent apprécier des touristes occidentaux la ville a développé un tourisme conséquent sans avoir toutefois perdu de son authenticité, le marché très animé vaut par exemple particulièrement le détour.  Hier nous avions loué une moto pour visiter les environs de la ville. Après un pique-nique sur la plage on s'est rendu au site de My Son à une cinquantaine de kilomètres où l'on peut admirer les vestiges du royaume de Champa, des ruines datant de plus de mille ans, très abimées aussi par les bombardements. La visite du site vaut surtout le coup pour la beauté du cadre, une belle vallée à la végétation touffue qu'on a pu arpenter à notre guise  vu qu'on devait être les seuls touristes présents.

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Aujourd'hui nous allons déambuler dans les rues de Hoi An et visiter ses vieilles maisons avant de prendre ce soir un vol pour Saigon. On a fait les riches sur ce coup-là mais franchement on se voyait moyennement faire 24 heures de sleeping-bus après notre dernière expérience. Enfin on a une pensée pour ces millions de chinois qui subissent en ce moment des conditions climatiques effroyables et on se dit qu'encore une fois on a eu une chance improbable d'être partis à temps, d'avoir pu tranquillement profiter des merveilles du Sud du pays et d'avoir échappé au capharnaüm qu'il y a là-bas en ce moment.

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